Sortir au jour
Sortir au jour
Sortir au jour est le dernier livre d’Amandine Dhée, paru en janvier 2023 aux éditions La Contre Allée.
Amandine Dhée a souhaité adapter ce texte en lecture musicale aux côtés de la musicienne Sarah Decroocq, sous l’oeil de Pauline Van Lancker et les oreilles de Marion Plouviez.
RÉAPPRIVOISER LA MORT
Ce texte est une invitation à réapprivoiser notre rapport à la mort. Deux femmes échangent. La première, la narratrice, évoque les histoires familiales qui l’ont précédée, la façon dont elle-même se projette dans l’avenir, les questionnements de ses enfants et son angoisse de perdre… La seconde, Gabriele, parle de son métier : elle est thanatopractrice. Celle-ci évoque ce soin très particulier auprès des personnes décédées, mais aussi de leurs proches vivants. En évoquant la mort avec une écriture légère et sensible, Amandine Dhée nous offre un texte plein d’humour qui se penche résolument du côté de la vie.
LA LECTURE MUSICALE
Dans la lecture musicale, Sarah Decroocq mêle ukulélé, clavier, voix, looper, guitare et autres surprises pour proposer une interprétation sonore originale de chaque extrait du livre. Amandine Dhée incarne les différentes voix de son texte à travers des extraits soigneusement sélectionnés. Le spectacle est un mélange d’émotion et d’humour porté par la complicité des deux interprètes, un pari réussi d’évoquer la mort sans drame.
Se tisse alors entre les mots et les sons un lien qui vient colorer ce texte, le déplacer des pages de papier à l’univers partagé d’une médiathèque ou d’une salle de spectacle, le temps d’une connexion entre la littérature et le spectacle vivant, d’un partage intimiste entre les artistes et le public.
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photos © http://www.namartphoto.com
EXTRAITS
« Est-ce que je vais mourir, moi aussi ? J’ai répondu oui, d’une voix tranquille. Le cycle de la vie, tout ça. Je me suis retenue de le bombarder de questions. J’étais fière de mon détachement, d’être cette mère ouverte avec qui on peut parler de tout. On est passé à autre chose, j’ai lu une histoire, bordé la couette aux imprimés licornes et refermé doucement sa porte.
Deux heures plus tard, une fois dans mon lit, j’ai réalisé que j’avais complètement merdé. J’aurais dû lui dire qu’avant de mourir il aurait une longue et belle vie. Qu’est-ce qui m’a pris ? Bien sûr que tu vas mourir, mon poussin, allez, bonne nuit ! Ce n’est pas possible d’être aussi toxique, c’était bien la peine de lire tous ces bouquins sur la parentalité bienveillante.
J’hésite à le réveiller pour rattraper le coup avant que l’angoisse s’immisce dans ses replis inconscients, et lui dire que sa vie sera longue. Et belle aussi, bien sûr. Juste longue, c’est pas forcément une bonne nouvelle. Et c’est ce que je lui dit le lendemain, à la première heure, je lui annonce, sa vie longue et belle, telle une prophète en peignoir. Il répond à peine en mâchouillant sa tartine. »
Gabriele :
« Parfois, les gens insistent, mais pourquoi tu fais ça ? Sous entendu : c’est quoi, ton problème ? Certaines personnes ont un vrai mouvement de recul, comment tu peux faire un travail pareil ? Sur les forums, des internautes disent que mon métier les dégoûtent. Certains posent beaucoup de questions, d’autres ne veulent rien savoir, d’autres encore entrent vraiment dans les détails. Souvent, ça part en déconnade. Les gens veulent bien parler de la mort, mais il faut que ce soit drôle. Comme je prends toujours une photo avant et après le soin, les gens s’esclaffent, j’ai droit à la blague du selfie avec le défunt.
Il arrive aussi que cela réveille des souvenirs. Parfois ça plombe l’ambiance. Si je sens que la personne en face est en train de replonger dans un deuil, j’essaie de bifurquer.
Au début de ma carrière, pour répondre à la curiosité des gens, il m’arrivait parfois de parler des deuils que j’avais vécu pour expliquer ma reconversion. Mais au fond, je n’en sais rien. Ce métier m’a attirée, j’ai essayé, j’ai douté. Aujourd’hui, je suis heureuse d’avoir pris cette décision. Quand je travaillais dans une agence de communication, personne ne me demandait jamais pourquoi. Alors que c’est une vraie question, non? »